Interview de Bruno Le Maire dans le Figaro suite aux attentats parisiens du 13 novembre.
FIGARO. - Les premières mesures prises après les attentats sont elles à la hauteur des événements ?
Bruno LE MAIRE. -Je soutiens les mesures annoncées par le président de la République et le gouvernement. Mais notre combat contre le terrorisme et l’islamisme radical doit aller plus loin. Il faut expulser tous les ressortissants étrangers qui tiennent des propos contre la nation française. Nous devons interpeller tous les individus sous fiche S qui peuvent représenter une menace, y compris par des mesures d’exception.
Les interpeller pour les incarcérer ?
Dès qu’un individu constitue une menace aux yeux des services de police, il doit être mis hors d’état de nuire. C’est tout. Nous ne pouvons pas attendre que des attentats soient commis pour agir. A ce combat pour la sécurité s’ajoute un combat culturel. Nous ne pouvons plus tolérer les mots et les actes contraires aux principes de la République. Au troisième salon musulman, des propos inacceptables ont été tenus sur la place des femmes : comment le tolérer ? Le phénomène de communautarisation dans les universités est connu et dénoncé : quelle réponse apportons-nous ? La radicalisation dans les prisons est un phénoméne connu : quelles mesures concrètes ont été prises ? Depuis des années, la République recule face au salafisme et à la radicalisation. Elle doit désormais faire face avec fermeté. Il ne doit pas y avoir de paix en France pour ceux qui méprisent et combattent la France. Nous vaincrons.
Peut-on atteindre le « risque zéro » ?
Le risque zéro, non, la tolérance zéro, oui. Personne ne pourrait comprendre que toutes les décisions nécessaires ne soient pas prises pour améliorer notre sécurité, renforcer le renseignement, garantir la défense de nos valeurs et principes essentiels. Après la tragédie de vendredi, les Français n’attendent pas de la compassion des responsables politiques, ils exigent la force et la sécurité.
Qu’attendez-vous de l’adresse de François Hollande au Congrès lundi ?
Au-delà du renforcement des mesures de sécurité et du combat culturel sur notre territoire, nous devons tout faire pour éliminer Daech. Je le réclame depuis le 11 janvier. Il faut arrêter de considérer Daech comme une menace régionale : Daech est une menace mondiale, qui nous concerne tous. Il est temps que François Hollande change de stratégie militaire et clarifie ses choix diplomatiques. Le président de la République doit exiger des Etats du Golfe qu’ils lèvent toutes les ambiguïtés sur leurs relations avec des mouvances islamistes. Il doit également demander la convocation immédiate du conseil de sécurité des Nations unies. Si les attentats avaient eu lieu à Washington ou New York, cette réunion se tiendrait sans délai. Parce que la France est la première cible des islamistes, parce que nous avons payé le prix du sang, la France est légitime à demander la mise en place d’une coalition internationale la plus large possible associant des États de la région, des États européens et les membres de l’Otan. Cette coalition devra intervenir avec des troupes au sol en Syrie. Enfin, profitons de la COP 21 pour organiser une réunion de tous les chefs d’Etat présents à Paris sur la lutte contre le terrorisme et pour marquer leur mobilisation totale contre Daesh.
Cette coalition internationale doit-elle comprendre la Russie ?
Daech n’est pas l’affaire de la France seule. Daech est une menace pour tous, les attentats au Liban et contre la Russie nous le rappellent. Je réclame une coalition internationale unie, avec pour seul objectif l’élimination de Daech. Cessons de croire que parce que nous épargnons Daech, Daech nous épargnera.
Quitte à soutenir le régime syrien ?
La question du régime de Bachar el-Assad est aujourd’hui secondaire. En courant plusieurs objectifs à la fois, notre diplomatie n’en a atteint aucun. Concentrons nous sur un objectif clair, simple et susceptible de réunir tous les États : la disparition de l’État islamique.
Pourquoi cette intervention au sol en Syrie serait-elle plus efficace que celles en Irak ou en Afghanistan ?
Parce que nous aurons tiré les leçons de ces précédentes interventions, que nous aurons associé les Etats de la région et déterminé les issues politiques possibles en Syrie. Nous ne voulons pas trancher un conflit entre sunnites et chiites, nous voulons faire disparaître une menace pour la paix mondiale.
Qu’attendez-vous de nos partenaires européens ?
La France a reçu des messages de solidarité d’Angela Merkel, de Donald Tusk et de tous les dirigeants européens. Très bien. Mais j’attends de leur part moins de compassion et plus de solidarité. Nos partenaires européens doivent nous aider à faire tomber Daech et à renforcer notre sécurité commune, par la mobilisation de moyens militaires, par des décisions de contrôles des passagers sur le territoire européens, par la mise en place de fichiers des migrants. François Hollande doit demander la réunion d’un Conseil européen extraordinaire, dès la semaine prochaine. La France doit rappeler l’Europe et nos partenaires européens à leurs devoirs. Soit ils se ressaisissent, soit le projet européen perdra tout son sens.