Dans une interview au Parisien, Bruno Le Maire revient sur ses propositions pour lutter contre une menace islamiste devenue sans précédent sur notre territoire ainsi que sur la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem.
Najat Vallaud-Belkacem affirme qu'elle mènera sa réforme du collège jusqu'au bout. Vous combattez toujours son projet ?
Bruno Le Maire. Oui. Le combat continue. C'est une mauvaise réforme, qui repose sur un principe d'égalitarisme et de nivellement par le bas. Je crois à la nécessité de garder des classes bilangues, un enseignement du latin, et surtout de renforcer l'apprentissage des savoirs fondamentaux, notamment du français. Je continuerai donc à me battre pour une autre réforme.
Laquelle ?
Celle du collège diversifié, qui permet de reconnaître la diversité des talents de chaque élève. Je ne veux plus d'un système scolaire qui estime que la seule voie d'excellence, c'est la voie générale puis l'université. L'apprentissage est une voie d'excellence. Notre objectif ne doit plus être 80 % d'une classe d'âge au bac, mais 100 % d'une classe d'âge avec un métier et une place dans la société. Je refais ma proposition d'augmenter le nombre d'heures de français de neuf ou dix heures environ dans le primaire à quinze heures. La bonne maîtrise de la langue française est aussi la condition de la préservation de la nation française.
La mise en place de l'éducation morale et civique n'est-elle pas un moyen de préserver la nation ?
La priorité absolue, c'est d'avoir des enfants qui maîtrisent correctement la langue française. A force de multiplier les enseignements, on s'écarte de l'essentiel.
On voit fleurir à droite les initiatives sur l'éducation. C'est un effet des primaires ?
Je me réjouis qu'il y ait un tel débat dans notre famille politique, c'est un sujet que nous avons laissé de côté trop longtemps. Moi, je ne fais aucun calcul politique. Je suis enseignant, c'était mon premier métier -- prof de français à l'université Lyon-II. M'engager sur ces questions est naturel. Aucun grand changement dans l'école ne pourra être réussi sans revaloriser les enseignants.
Comment ?
Nous devons leur demander d'être davantage présents dans l'établissement scolaire. En échange de cette présence plus importante et d'un accompagnement personnalisé plus fort des élèves en difficulté, nous devons leur offrir la sécurité, des conditions de travail plus dignes et leur garantir une rémunération plus élevée. Mais il faudrait aussi offrir à tous les enseignants, au bout de dix ans de carrière, la possibilité de changer de matière, voire de métier. Qu'ils aient alors droit à un bilan de compétences, et que l'Etat garantisse à ceux qui veulent partir pour un autre métier — y compris en dehors de l'Education nationale et même de la fonction publique — une formation pour pouvoir le faire.
En matière de sécurité, certaines propositions font penser à une course à l'échalote avec le Front national...
La France est la première cible des terroristes islamistes. Autrefois, cette menace venait de l'extérieur, aujourd'hui, c'est une menace intérieure. Ma seule préoccupation est : quelles solutions pouvons-nous apporter à cette menace nouvelle ? Sans idéologie, je maintiens deux réponses. Une réponse internationale : il faut aller frapper Daech au sol, en Syrie.
C'est la France qui doit le faire ?
Oui. Elle doit prendre l'initiative d'une coalition internationale qui éradique Daech avant qu'il ne soit trop tard. Car si la Syrie tout entière tombe entre les mains de Daech, la menace sera imminente pour notre pays. Il faut que des troupes françaises puissent être présentes au sol pour accompagner la coalition, composée principalement des Etats de la région. Il ne s'agit pas d'être présent en masse, mais au moins d'encadrer, former les soldats de la coalition.
Et sur le front intérieur ?
Je maintiens qu'il faut rétablir la double peine : un ressortissant étranger, condamné pour acte de terrorisme, doit être automatiquement expulsé sitôt qu'il a fini de purger sa peine en France. Quant aux expulsions administratives de ressortissants étrangers non communautaires, fichés S, qui menacent directement notre sécurité nationale, elles sont nécessaires.
N'y a-t-il pas un risque d'arbitraire ?
Si nos services de renseignement estiment qu'ils sont une menace directe pour notre sécurité, il est normal que nous les expulsions. Veut-on garantir la sécurité des Français ? Il faut donc ces mesures préventives. Ces expulsions administratives existent déjà. Il faut le faire de manière encore plus significative. Il est indispensable de préserver une cohésion politique nationale pour trouver les meilleurs moyens de répondre à la menace.
Le FN peut-il aussi avoir de bonnes idées sur ce terrain ?
Sortons de cet affrontement politicien sur des questions aussi majeures. Il ne s'agit pas de savoir si telle proposition vient du FN, du gouvernement ou des Républicains. Chaque proposition ne doit être mesurée qu'à l'aune de son efficacité. Ne tergiversons plus ! Passons à l'offensive !